CRISPR Cas9

D'où vient la technique CRISPR/Cas9?

La technique CRISPR/Cas9 est basée sur un mécanisme de défense naturel des bactéries. Les bactéries stockent des petites séquences d'ADN des virus qui les infectent dans leur génome, les CRISPR (Clustered Regulary Intererspaces Short Palindromic Repeats). Grace à cette "mémoire", si une nouvelle infection par le même virus se produit, la bactérie le reconnaît et peut l’éliminer rapidement.

Fonctionnement de CRISPR/Cas9

Les bactéries transcrivent régulièrement les CRISPR, ces petites séquences d'ADN viral, en ARN. Ces micro-séquences d’ARN sont des copies de fragments du génome viral. Lorsque les copies ARN rencontrent le virus original dans la cellule, le virus est reconnu et les ARN se lient aux séquences virales qui leur sont identiques ou homologues. Ce marquage permet à la protéine Cas9 de couper le génome viral et le rend inoffensif. En résumé, Cas9 est un ciseau moléculaire qui coupe l’ADN à l’endroit où se lie une copie ARN des CRISPR.
L’étude du mécanisme moléculaire de CRISPR/Cas9 dans les bactéries a ensuite permis son application en biotechnologie à partir de 2012. Ce qui a attiré l’attention des scientifiques est la capacité du ciseau moléculaire, Cas9, à couper l’ADN à un endroit précis. Cet endroit est déterminé par marquage avec une molécule d’ARN. Dans l’application biotechnologique, un ARN guide (ARNg), identique à la séquence du gène cible, est synthétisé et introduit dans une cellule avec la protéine Cas9. Cet ARNg reconnaît la séquence d'ADN dans le génome de la cellule à modifier par homologie et lie cette séquence. La protéine Cas9 reconnaît ce complexe ARN-ADN et coupe l’ADN. Cette incision dans l’ADN est ensuite utilisée pour générer des mutations, insérer ou enlever des séquences génétiques de différentes longueurs, en partie grâce aux mécanismes naturels de réparation cellulaire.

Quelles différences entre la technologie CRISPR/Cas9 et les techniques conventionnelles de génie génétique?

Les différences entre l’édition génomique ayant recours au système CRISPR - Cas9 et le génie génétique classique ne sont pas les mêmes pour tous les organismes. Mais de manière générale, on peut dire que :

  • Le système CRISPR/CAS a révolutionné la biotechnologie parce qu'il est beaucoup plus facile et rapide à mettre au point que les techniques conventionnelles, à un prix incroyablement bas (30 USD).
  • Dans les méthodes conventionnelles de génie génétique, le lieu où le génome est modifié est habituellement aléatoire. CRISPR/Cas9 modifie une séquence prédéfinie du génome, là où se lie l’ARN guide.
  • CRISPR/Cas9 permet d’augmenter la variété et la fréquence des mutations
    • cette technologie permet non seulement de couper une séquence d’ADN mais permet également d’ajouter à cet endroit une séquence d’ADN synthétique, en partie grâce aux mécanismes naturels de réparation cellulaire
    • Plusieurs sites spécifiques du génome (multiplexing) peuvent être modifiés en une seule opération
  • CRISPR/Cas9 permet d’augmenter le nombre d’organismes génétiquement modifiés :
  • Chez des organismes dont le génome pouvait difficilement être modifié au moyen des méthodes classiques du génie génétique, le CRISPR/Cas9 devrait dorénavant simplifier les interventions sur le génome (animaux, insectes, humain, champignon).
  • Le CRISPR/Cas9 devrait également rendre possibles les interventions sur le génome d’espèces chez lesquelles les méthodes classiques du génie génétique classique ont échoué.
  • En outre, les méthodes de génie génétique conventionnelles sont généralement utilisées, c'est-à-dire que la construction du gène est introduite dans la cellule au moyen d'un canon à gènes ou d'un vecteur.

Risques et précision du système CRISPR/Cas9

Lors de la présentation du système CRISPR/Cas9, les entreprises de biotechnologies mettent en avant systématiquement sa soit-disant "précision" par rapport aux autres techniques. Or, CRISPR/Cas9 n'est pas si précis que cela ; il peut générer des effets hors-cible et provoquer des dommages collatéraux :

1) Les ciseaux moléculaires, Cas9, coupent l’ADN, même si la séquence de l’ARN guide (ARNg) n’est pas strictement identique à la séquence d’ADN cible du gène à modifier, par exemple, s’il y a 2-3 paires de bases de différence entre l’ARNg et la séquence à couper. Vu que l’ARNg est relativement court, il arrive que le guide dirige les ciseaux vers des sites erronés dans le génome, en dehors des régions cibles. Or, même les plus petites mutations hors cible ou involontaires peuvent avoir des conséquences graves. Par exemple, l'hémophilie (maladie du sang) repose sur une mutation unique d'un gène codant pour un facteur de coagulation.

2)Une fois le coupure réalisée, se sont les mécanismes de réparation cellulaires de l'ADN qui prennent le relai ; ceux-ci ne sont pas sous contrôle de l'opérateur et nous n'avons que peu de connaissance à leur sujet. Le mécanismes le plus fréquemment utilisé par la cellule génère des erreurs dans la reconstitution et provoque donc des mutations.  C'est ce qui est recherché. Cependant ce mécanisme peut aussi induire de large délétion ou insertion d'ADN non souhaitée sur le site de coupure.

3) L’édition génomique est toujours associée à l’introduction en éprouvette (in vitro) de protéines et d’ADN étranger dans une cellule. Ces processus sont invasifs et engendrent des modifications involontaires du génome.

4) La précision du système CRISPR/Cas9 dépend toujours du soin avec lequel procède l’opérateur. Par le protocole expérimental, celui-ci peut influencer l’ampleur des modifications involontaires.
Il est donc nécessaire de mettre en place des procédures de contrôle qui assurent que de tels effets indésirables ne se produisent pas et de prévoir une évaluation des risques adéquate dans le cadre de la réglementation de ces techniques.

Incertitudes

L'incertitude regroupe ce que nous savons « ne pas savoir » et ce dont nous ignorons tout. Notre connaissance du génome et de son fonctionnement est encore très médiocre. Pour rappel, les gènes ne représentent que 2 % du génome. Le rôle exact des 98% d'ADN restants n'est pas exactement connu! Le génome n'est pas une unité statique constituée d'un code qui peut être modifiée et découpée à volonté sans que ce processus de modification ne déclenche des réarrangements. Le génome est une unité dotée d'auto-organisation, d'autorégulation et d'auto-adaptation - en relation constante avec son environnement. Certains chercheurs, devant tant de complexité, n’hésitent pas à affirmer qu’il serait intelligent. Quelles réactions non désirées sont déclenchées par nos tentatives de piratage des génomes ?
La technologie CRISPR/cas9 sert à modifier le génome et active les systèmes de réparation de l'ADN dans la cellule. Les conséquences de l’activation de ces fonctions d’auto-organisation ou de réorganisation du génome n’ont pas été étudiées en détails. Parler de précision est trompeur jusqu' à ce que nous comprenions comment les génomes fonctionnent, s'organisent et se développent.